Bien avant que l’Éthiopie n’ait un drapeau officiel, trois couleurs – vert, jaune et rouge – flottaient sur ses terres. Elles apparaissaient sur des bannières ou des fanions, portant une signification profonde pour l’Église orthodoxe éthiopienne. Le vert évoquait les champs fertiles et l’espoir d’un avenir meilleur. Le jaune brillait de paix, de richesse et de la sainteté de l’Église. Le rouge représentait le sang versé pour la foi et la liberté. Pour les Éthiopiens, ces couleurs n’étaient pas de simples teintes : elles tissaient l’âme du peuple, son lien avec Dieu et sa terre. On dit qu’elles rappelaient l’arc-en-ciel du Livre de la Genèse, symbolisant la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Le 6 octobre 1897, l’empereur Ménélik II hissa le premier drapeau officiel de l’Éthiopie. Trois bandes s’empilaient : rouge en haut, jaune au milieu, vert en bas. Sur la bande jaune trônait la lettre amharique « ም », marque de l’empereur. Le rouge appelait à se souvenir du sang versé pour la liberté. Le jaune promettait la paix et l’harmonie entre les peuples. Le vert chantait la terre fertile et l’espoir.
Ce drapeau naquit après la victoire d’Adoua en 1896, lorsque les Éthiopiens écrasèrent les envahisseurs italiens. Imaginez-le flotter fièrement au-dessus du champ de bataille, comme s’il proclamait : « L’Éthiopie est libre ! » Ce drapeau fut le premier cri d’une nation qui se révélait au monde.

Quand Ménélik II s’éteignit en 1913, le drapeau changea. La lettre « ም » disparut, et les couleurs furent réorganisées : vert en haut, jaune au milieu, rouge en bas. Souvent, le Lion de Juda y figurait – un lion couronné tenant une croix, symbole de la dynastie salomonide, issue, dit-on, de la reine de Saba et du roi Salomon. Le Lion de Juda regardait le monde, comme pour dire : « Ici règnent Dieu et l’empereur ! »
En 1936, les troupes italiennes envahirent l’Éthiopie, et le drapeau national s’effaça des cieux. À sa place flottait un étendard étranger – le tricolore italien : des bandes verticales verte, blanche et rouge, avec l’écusson de la maison de Savoie au centre. Cet écu montrait une croix blanche sur fond rouge. Ces couleurs n’avaient rien à voir avec l’âme éthiopienne : le vert pour les plaines italiennes, le blanc pour la pureté, le rouge pour le sang de l’empire. Pour les Éthiopiens, ce drapeau était le signe amer de l’oppression, tandis que leur vrai drapeau vivait dans leurs cœurs, attendant la liberté.

En 1941, lorsque les Italiens furent chassés avec l’aide des Britanniques, le Lion de Juda rugit à nouveau. Haile Selassie I avait fixé son dessin par la loi dès 1932. Le lion couronné avec sa croix devint le cœur du drapeau, les couleurs son âme. C’était une époque où l’Éthiopie cherchait à marcher au pas du monde moderne, mais des tempêtes se préparaient, prêtes à renverser la monarchie.
En 1974, Haile Selassie I perdit son trône, et le drapeau changea. La couronne du lion disparut, sa croix fut remplacée par une lance – signe que la monarchie était finie. Le drapeau restait un tricolore : vert en haut, jaune au milieu, rouge en bas. Mais les couleurs perdirent leur éclat sacré : le vert parlait désormais de la terre, le jaune de la paix, le rouge de la lutte. Ce drapeau était comme un pont – l’ancienne Éthiopie s’effaçait, la nouvelle n’était pas encore née.

Avec l’arrivée du Derg en 1975, le drapeau resta souvent un simple tricolore – vert, jaune, rouge – dans la vie quotidienne. Mais pour les occasions officielles, on y ajoutait un emblème : une charrue sur un soleil jaune dans un cercle bleu, entourée d’une guirlande verte de blé, parfois surmontée d’une étoile rouge. La charrue glorifiait le travail des paysans, le soleil un avenir radieux, la guirlande la moisson. Le vert représentait le progrès, le jaune l’espoir d’égalité, le rouge le sang d’une nouvelle ère. Ce drapeau reflétait des rêves socialistes, pas toujours heureux.
En 1987, sous Mengistu Haile Mariam, le drapeau prit un nouvel éclat. Le tricolore demeura, mais un emblème audacieux orna le centre : une étoile jaune à cinq branches sur un disque rouge, avec l’obélisque d’Aksum, une roue dentée, des branches d’olivier et un soleil levant en dessous. Au-dessus, en amharique, brillait l’inscription « የኢትዮጵያ ሕዝባዊ ዲሞክራሲያዊ ሪፐብሊክ » – République démocratique populaire d’Éthiopie. L’étoile flamboyait d’un feu révolutionnaire, la roue exaltait le labeur, l’obélisque rappelait une gloire ancienne. Le vert signifiait le progrès, le jaune l’unité, le rouge la lutte. Mais ce drapeau ne dura pas – en 1991, le Derg s’effondra.

En 1991, quand le Derg s’écroula, l’Éthiopie sembla reprendre son souffle après des années de tourments. Le drapeau retrouva sa simplicité : un tricolore – vert en haut, jaune au milieu, rouge en bas – sans emblèmes ni étoiles. C’était comme une toile vierge pour un nouveau chapitre. Le vert chantait la terre et la renaissance, le jaune l’espoir de paix, le rouge la mémoire de ceux qui s’étaient battus. En 1992, il fut consacré symbole de l’État par le gouvernement de transition. Sobre mais cher au cœur, il flottait sur une nation en quête de son chemin, unissant les gens dans l’élan d’un avenir meilleur.
Le 31 octobre 1996, l’Éthiopie dévoila le drapeau qui flotte encore aujourd’hui. Trois bandes – verte, jaune, rouge – s’unissent autour d’un disque bleu au centre, où brille une étoile à cinq branches avec ses rayons. Ses proportions sont de 1:2.
Chaque élément porte un sens :
- Le vert pour le travail, le progrès et les champs fertiles.
- Le jaune pour l’espoir qui réchauffe les cœurs.
- Le rouge pour le sang versé pour la liberté.
- Le disque bleu pour la paix tant désirée.
- L’étoile et ses rayons pour l’unité des peuples éthiopiens et leur rêve d’un avenir lumineux.
Né après la Constitution de 1995, lorsque l’Éthiopie devint une fédération, ce drapeau enlace tous ses peuples, murmurant : « Ensemble, nous sommes plus forts. » Quand on le voit onduler dans la brise aujourd’hui, il semble porter l’âme de l’Éthiopie – son passé et son espoir pour demain.